La perle fait son grand retour
Par Gabrielle de Montmorin | Le 03 décembre 2017
La perle s’est réinventée par des marques créatives, la perle s’est modernisée et démocratisée. Mieux : elle est redevenue désirable. Il est temps de réviser ses classiques.
Quelle différence entre perle fine et perle de culture ?
Une perle naît d’une réaction de défense d’une huître, ou d’un mollusque, qui sécrète alors de la nacre pour envelopper son agresseur. Les perles fines, ou naturelles, se sont raréfiées au fur et à mesure de la pollution des eaux – la dernière collection de haute joaillerie de Chaumet les célébrait divinement. Leur rareté a pour conséquence des prix à plusieurs zéros, par exemple pour la conche des Caraïbes et la melo pêchée au Vietnam. Mise au point en 1893 par un génie japonais nommé Kokichi Mikimoto, la perle de culture, qui résulte donc d’une intervention humaine, regroupe des qualités très différentes, de l’Akoya japonaise, la plus renommée, à la perle d’eau douce chinoise cultivée sur des moules, moins estimée.
Une perle doit-elle être blanche pour avoir de la valeur ?
Il existe trois critères majeurs pour définir la qualité d’une perle : la teinte et la taille, qui découlent de l’origine. Grâce à la nouvelle vague créative actuelle, la hiérarchie traditionnelle s’estompe, même si les perles blanches rondes, dites « bouton », représentent encore la majorité de l’offre. Les Akoya, dont le diamètre varie entre 2 et 10 mm, sont réputées pour leurs reflets nacrés satinés. Les perles des mers du Sud déploient des nuances dorées sur des diamètres plus importants, de 10 à 15 mm. Leur volume est souvent souligné par une forme irrégulière, dite baroque, très inspirante pour de nombreuses marques. Recherchée pour ses irisations bleu-vert, la perle de Tahiti possède une facette plus rock qui inspire des collections ad hoc (Anfray & Anfray, Asherali Knopfer chez Montaigne Market). De même que l’on parle des feux d’un diamant, le terme consacré pour la perle est l’orient, ou le lustre. Il évoque l’intensité avec laquelle la lumière est réfractée et dispersée sur sa surface, qui n’est pas opaque.
La perle peut-elle se désembourgeoiser ?
La néo-perle contemporaine doit beaucoup à la maison japonaise Mikimoto .Après avoir inventé la perle de culture – qui nécessite six ans de soins attentifs dans des fermes surprotégées -, elle a ouvert un siècle plus tard, en 1986, la première boutique qui lui soit dédiée. Installée place Vendôme, elle est devenue, à Paris, l’adresse des esthètes non-conformistes. Comme l’explique Flaviène Barbier, la directrice générale France de Mikimoto, « une femme qui porte de la perle est une femme qui assume sa féminité ». Pour elle, les collections osent les perles en mouvement (collection Rock’n’Roll), mais aussi celles incrustées de diamant.
Peut-elle s’autoriser quelques traits d’esprit ?
Deux jeunes créatrices ont largement contribué à ce renouveau qui ose l’humour. La première, Yvonne Léon, a grandi parmi les bijoux. Depuis trois ans, sa marque excelle dans la perle qui slashe entre chic et glam-leisure, ici en forme d’abeille butinant le dessous d’oreille, là en conclusion de créoles. La seconde, Delfina Delettrez, qui fête les dix ans de sa marque, taquine elle aussi les perles avec des boucles piercing devenues iconiques.
Le sautoir revient-il dans la course ?
Immortalisée par Man Ray, la silhouette de Gabrielle Chanel, cigarette aux lèvres en petite robe noire et cascade de perles, reste d’actualité. La maison a d’ailleurs fait des perles l’une de ses signatures joaillières avec sa collection Baroque où elles s’insèrent dans un motif matelassé d’or serti de diamants ou se font pampille. Maître ès sautoir, Mikimoto le rend sur mesure avec Magic Pearl, un système coulissant et bloquant innovant, quand Ginette NY souligne les iridescences sur un cordon noir.
Quel est le comble de l’audace pour une perle ?
Couper une perle en deux demande une forme de courage. L’une des premières a en avoir eu est Mélanie Georgacopoulos pour Tasaki. Son collier-sourire de demi-perles dessinant des smileys renouvelle magistralement le traditionnel rang. D’autres ont aussi cette audace. C’est le cas de Yuta Ishihara, fondateur de la marque Shihara (chez White Bird), dont la demi-perle en broche, bague et puce d’oreille atteint un summum d’épure. Quant au label Tarsis, ses perles coupées mariées à la cornaline ou à l’onyx signent des modèles inédits. La perle n’en finit plus d’être réinventée à travers des propositions créatives riches. Elle fait sa révolution sur les bagues, où elle est mise en orbite (Edendiam), coulisse ou se cache (Lia di Gregorio chez White Bird). Chez Worms, spécialiste parisien de la perle fine au début du XXe siècle qui revient sur le devant de la scène, une Akoya couronne une bague en forme de trombone arrondi. Acquise au modèle deux doigts, la place Vendôme le décline en constellation lumineuse (Mikimoto) ou en nœud impérial (Boucheron).